Le passage de Benoit Loutrel, vers le poste de Directeur des
affaires publiques et des relations institutionnelles de Google France, ne fait
pas que des satisfaits dans la société. Pour une sénatrice qui s’est clairement
exprimée, quitter le poste de directeur général de l’Arcep pour rejoindre
Google France, pousse à s’interroger tant sur des questions d’éthiques que sur
la notion de préservation de l’intérêt général.
Google agit en chasseur de tête
Le géant américain emploie des méthodes de recrutement dignes de chasseur de tête. Pour mieux
asseoir ses activités et veiller sur ses intérêts, comme c’est le cas en
France, elle opère durement dans la mise à sa disposition des grandes têtes de
choix. Ainsi, depuis beaucoup d’années, experts du secteur public ou du privé,
des véritables connaisseurs des secrets du pouvoir et des technologies sont ses
cibles de choix.
C’est d’ailleurs ce énième passage d’un cadre de la trempe
de Benoit Loutrel qui pousse beaucoup à s’interroger. Ses méthodes de
recrutement se confirmeraient alors une fois de plus. De plus, celui que le
désormais ex-DG de l’Arcep remplacera ne rien d’autre que Francis Donnat, précédemment au Conseil d’Etat et détaché à
la cour de justice de l’Union Européenne. Son arrivée en 2014 chez Google avait
d’ailleurs engendrée la furie de Fleur Pellerin, ministre délégué à l’économie
numérique de l’époque.
Une nomination au gout de menace à la souveraineté numérique
Les montées au filet ne se sont pas fait attendre. La
sénatrice Catherine Morin-Desailly y est allée sans détours sur son compte
Twitter : « Hormis le côté éthique de cette nomination qui semble piétiné, la
souveraineté numérique se trouve menacée par des conflits d’intérêts majeurs. »
Au passage, elle lance un appel à la Secrétaire d’Etat au Numérique, Axelle
Lemaire.
Elle est allée plus loin dans une communication rendue
publique. La sénatrice y a mis toute son énergie pour bouder contre ce
débauchage supplémentaire de la part de Google France. Elle aurait à cet effet
écrit deux rapports qui font état de la dominance américaine sur l’internet mondial d’une part, mais aussi
sur l’importance de conserver la souveraineté française sur le plan du
numérique.
Limiter ses rapports avec l’Arcep pour apaiser les tensions
Au courant sa nomination du côté de Google France causerait
inévitablement des remontées de colère comme celle de la sénatrice centriste,
Benoit Loutrel se serait ainsi proposer des limiter sinon supprimer ses
rapports avec l’Arcep durant trois ans. Est-ce pour autant que la sénatrice se
sentira rassurée ? Et pourtant, du côté de la Commission de déontologie de
l’Arcep les choses sont bien claires : un accord aurait été donné pour faire ce
transfert.
Au-delà de tout ceci, la sénatrice Catherine Morin-Desailly
s’est tout de même adressée à l’exécutif pour demander des éclaircissements : «
je souhaiterai que le gouvernement d’une part, et l’Arcep également d’un autre
côté, donnent des éclaircissements au sujet du travail qui a été ou non
effectué par la Commission de déontologie dans l’optique de favoriser ce
transfert. De plus, que l’on montre comment les intérêts supérieurs de la
France ne sauraient en pâtir de cette nomination. »