Depuis avril, les prix du blé connaissent une hausse significative, augmentant de 30% en quelques semaines, selon Zone Bourse. Pour les consommateurs, déjà impactés par les répercussions économiques de la guerre en Ukraine, cette augmentation est une charge lourde. L'Ukraine, autrefois le "grenier" de l'Europe, voit sa production de blé diminuée. La semaine passée, le Conseil international des céréales (CIC) a constaté une baisse globale de 3 millions de tonnes par rapport au mois précédent, en grande partie attribuée aux mauvaises conditions météorologiques. Cependant, les observateurs craignent également l'influence croissante de la Russie sur le marché du blé, Moscou ayant déjà démontré sa volonté de manipuler l'approvisionnement énergétique de l'Occident. Cette stratégie semble maintenant s'étendre à l'industrie céréalière russe.
Le contrôle de la Russie sur l'industrie céréalière
La Russie intensifie ses efforts pour contrôler son industrie céréalière.
Selon Bloomberg, les principaux négociants occidentaux, comme Cargill Inc.,
Viterra et Louis Dreyfus Co., ont quitté le marché russe, laissant place à des
entreprises proches du pouvoir russe. Aujourd'hui, quatre entreprises
contrôlent trois quarts des exportations de céréales des terminaux russes de la
mer Noire, contre 45% il y a six ans.
Cette mainmise de l'État russe inquiète les vendeurs et les pays dépendants
du blé russe. "La Russie n’a jamais autant pesé qu’aujourd’hui" sur
ce marché, selon Sébastien Blis, chercheur associé à l’Institut de relations
internationales et stratégiques (Iris) et directeur du club Demeter. En 2023,
la Russie a exporté 50 millions de tonnes de blé, représentant 25 % du marché
mondial. L'Ukraine, ayant exporté moins de blé, a vu la Russie augmenter sa
part de marché, entraînant une "russification du marché mondial".
Les conséquences pour les marchés mondiaux
Bien que la Russie n'ait pas encore perturbé notablement ses propres
approvisionnements en blé, comme elle l'a fait avec le gaz en 2022, son
influence reste sous surveillance. Le marché russe, désormais dominé par des
acteurs locaux, manque de transparence sur les volumes et l'état des récoltes.
En raison du manque de personnel sur place, le ministère américain de
l'Agriculture se fie principalement aux images satellites pour ses prévisions
de récolte, qui peuvent ne pas détecter tous les dégâts. La météo en Europe et
en Russie a été défavorable, oscillant entre sécheresse et gel, ce qui a
conduit le Conseil international des céréales à prévoir une baisse de 6% de la production
de blé russe cette année.
Un impact global
La raréfaction des ressources entraîne une augmentation des prix. Dennis
Voznesenski, analyste à la Commonwealth Bank, rappelle que "la Russie,
source du blé le moins cher au monde, fait face à des déficits de production et
les prix russes augmentent". Cependant, l'amélioration des perspectives
des récoltes américaines pourrait atténuer ces effets.
L'Europe, presque sevrée du gaz naturel russe, dépend déjà du gaz naturel
liquéfié (GNL) américain pour son chauffage. Elle pourrait désormais devoir
compter sur les États-Unis pour remplir ses assiettes.